Les femmes, le sport, les médias et les inégalités #BilletdHumeur

Il est rare que je commence l’écriture d’un billet sans savoir exactement ce que je veux mettre dedans. Aujourd’hui, je me trouve dans cette situation.

J’ai un thème, qui m’est cher et que j’ai envie d’aborder, mais je ne sais pas trop par où débuter. Alors, je préviens, ça risque d’être brouillon.

Tout a commencé par une discussion, simple, basique, mais où mon interlocuteur et moi avions deux positions radicalement différentes.

Voilà le débat du jour :les inégalités des salaires hommes / femmes dans le sport.

La personne avec laquelle je débat sur ce sujet est un homme, la trentaine, fan de sport et qui ne comprend pas pourquoi cette inégalité de salaire pose problème ? Aussi curieux que cela puisse paraître, il est en revanche farouchement contre les inégalités de salaires dans les entreprises pour un même poste occupé par une femme et un homme.

Moi, de l’autre côté, je me pose des questions et j’essaie de comprendre comment nous en sommes arrivés là.

Le sport, c’est ancien, on le sait, ça remonte à plus de 500 avant J.C. Jusqu’au XIXè siècle, différents sports ont vu le jour et ont duré plus ou moins longtemps : la lutte, la course à pieds, la course de chars, puis, plus tard, les tournois de chevaliers, le jeu de paume, la chasse, les courses hippiques, etc, etc… Quand je dis « plus ou moins longtemps », je m’exprime en siècles et non en années.

Le sport déplaçait les foules, hommes comme femmes. Et pourtant, il n’y avait que des mâles qui pratiquaient une activité physique.

Les femmes ne sont intervenues réellement qu’à partir de 1910-1920…

Le sport médiatisé, remonte au début du XIXè siècle avec l’hippisme, puis vinrent le cyclisme et l’athlétisme. Le journal L’Equipe est devenu, dès les années 40, le quotidien généraliste incontournable pour qui aime lire l’actualité sportive. Toute la presse française s’est mise alors à créer une rubrique « sport » dans ses colonnes. Les radios ont aussi commencé à se spécialiser.

Le rôle important de la télé dans la diffusion du sport n’est arrivé qu’au début des années 80.

Depuis plusieurs années, je subis ou je regarde de bon cœur du sport à la télé. Je subis les sports que je n’aime pas car Monsieur les regarde. Et je regarde, ravie, certains, que j’apprécie.

Et pourtant, j’ai bien souvent ce sentiment que le sport diffusé à la télé est fait par des hommes, pour les hommes et commenté majoritairement par les hommes. Les femmes sont moitié moins nombreuses que les hommes à regarder le sport à la tv.

Je suis derrière le poste et j’ai l’impression qu’on ne fait pas grand chose pour me vendre un sport, et surtout, les marques diffusées pendant les coupures pubs. Puisque c’est aussi, et surtout, de cela qu’il s’agit, de vendre des produits pendant les mi-temps ou pauses. Je ne suis pas allergique au foot, par exemple, je ne trouve pas ça fabuleux à regarder, je déteste l’état d’esprit des gens qui foutent la merde aux matchs, et surtout, télé ou radio, quand on parle de foot, faut que ça gueule. Et moi, les gens qui gueulent, ça me gave. Déjà parce que je vois pas tellement l’intérêt de parler 2h d’un match, après le match, pour refaire le match (oui, j’ai du mal avec les trucs qui servent à rien) et surtout, parce que j’ai plus souvent l’impression que les gens qui font ça se croient plus forts que les entraîneurs ou les joueurs… Bref, c’est à celui qui beuglera le plus fort qui gagnera…

J’aime bien le tennis, et puis après un match, on va pas faire une dissertation pendant 12 plombes pour parler du match.

Mais pourquoi un match de femmes à Roland Garros est moins regardé qu’un match d’hommes ? Réponse de mon interlocuteur : « c’est plus chiant les matchs de femmes et elles jouent pas la même durée que les hommes , c’est donc moins physique »… Bon, ça, c’est un peu logique car elles font 3 sets maximum, pas 5 comme les hommes.

Heureusement, depuis quelques années, les femmes obtiennent la même prime que les hommes à Roland Garros. C’est déjà ça de pris.

Frapper un grand coup, ça serait programmer la finale messieurs la veille de la finale femmes…

Ce système est tellement vieux et rôdé que je crains qu’on n’en sorte jamais.

Pourquoi on ne diffuse pas sur une chaîne des championnats féminins d’un sport populaire ? Le foot et le rugby ont généré en 2012 plus de 500h de diffusions à la télé en France. Pourquoi attend-on de voir les françaises en finale d’une discipline pour les mettre en avant ?

Comment un homme comme Zlatan peut dire qu’il se sent honteux d’être comparé à la star féminine du foot en Suède (Lotta Schelin, attaquante à l’Olympique Lyonnais) ?

Otons 2 secondes cette notion d’hommes et de femmes et parlons simplement de discipline : quand on cartonne au handball on passe les matchs à la télé, on est fort, on a une super équipe, on est champions du Monde.

Si on ne montre pas ce sport à la télé, il y a peu de chances que les licences augmentent, or, justement, il y a des pics juste après des victoires de notre équipe nationale. Le fait est qu’on ne diffuse cette discipline que quand ça nous arrange. Vous imaginez ce que ça pourrait donner si on se mettait à intéresser les gens (hommes/femmes/enfants) au sport féminin ?

Je peux aussi vous dire ce que j’ai entendu pêle-mêle sur le sport auto féminin : « oui mais y’a des championnats spécifiques pour les femmes, créés par des femmes, comme le Rallye des Gazelles, les Princesses, alors de 2 choses l’une, soit les femmes s’excluent elles-mêmes en restant entre elles, soit elles vont là uniquement pour pouvoir accéder après à des compétitions où y’a des mecs ».

Ok, donc, les femmes sont déjà exclues à la base de beaucoup de disciplines automobiles et en plus elles choisiraient de n’être qu’entre elles ? Et en plus, ça leur donne une ouverture pour aller vers du professionnel ? Il est où le problème ? Les hommes ont déjà tout, il faut bien que les femmes créent des ouvertures pour vivre leur passion ! Et si après, on détecte chez certaines du talent, et qu’elles peuvent participer à des compétitions mixtes, il ne faut pas hésiter.

Si on montrait plus de femmes à la télé, plus de femmes auraient envie de pratiquer ce sport, et plus de femmes le regarderaient… Mon raisonnement peut vous sembler basique, mais je suis partie du postulat que si on ne présente pas un sport, on ne le connaîtra pas, et on aura moins l’idée de s’y inscrire, ou d’inscrire son gamin ou sa gamine.

Les commentaires de certains lorsqu’une femme est présente dans une épreuve dite masculine me laissent à penser que laisser des gens exprimer leur bêtise avec un public n’aidera pas à changer les mentalités. Je pense à Olivier Panis qui se foutait carrément de la gueule de Sabine Schmitz l’an dernier, mais je pense aussi à Alexandre Delpérier qui vannait dès qu’il le pouvait sa co-commentatrice des 24h du Mans il y a de cela quelques années.

Tout le monde à le droit de dire une bêtise, de sortir des chiffres erroné, de corriger le tir après, mais bâcher pour bâcher, ou encore, parler d’un ton totalement irrespectueux, ça provoque en moi une lassitude, le sentiment que je pourrais jamais rien contre ça, qu’il faudra toujours laisser passer, qu’on n’y arrivera jamais…

Mais je suis mère aussi, et il est simplement hors de question que mon fils m’explique un jour que le rose, c’est pour les filles et le bleu, c’est pour les garçons. Donc, je l’éduque. Un enfant, ça s’éduque. Mais un adulte, qui a déjà son opinion, c’est plus dur. Alors, j’essaie de sauver la mise en inculquant certaines valeurs à ce petit garçon.

Je l’ai inscrit à l’escrime, sport qui ne compte que 62 000 licenciés dans l’hexagone. Je trouve que c’est beau à regarder, qu’il y a des valeurs, des leçons, les enfants sont cadrés, et on apprend le respect de l’autre. Et pour parler de noms qui sont connus, dans l’escrime, Laura Flessel, une femme. Peut être que ça a motivé au final ma décision de choisir cette activité.

Voici quelques chiffres du nombre de licences en France par sport (incluant les femmes) : badminton 162 000, tennis de table 190 000, karaté 226 000, natation 289 000, golf 422 000, rugby 457 000, basket 475 000, judo 603 000, équitation 706 000, tennis 1 111 000, et foot 1 973 000…

Parmi ces sports, certains comptent une majorité de femmes, d’autres offrent un rapport de 4 femmes pour 6 hommes et d’autres sont largement à la ramasse, 5 femmes vs 95 mecs.

Tant qu’une chaîne n’aura pas l’audace de diffuser une saison complète d’un championnat féminin, on ne saura pas si celui ci génère de l’audience. On ne saura donc pas si des marques sont intéressées pour payer des spots de pub pour atteindre cette audience. On ne saura pas si ces marques deviendront sponsors d’une équipe ou d’une joueuse. On ne saura pas si elles pourront avoir, un jour, un salaire au moins équivalent aux hommes pour un même championnat.

Ah pardon, c’est vrai qu’il y a un sport féminin qui retient l’attention des médias et des téléspectateurs : le beach-volley…

D’avance pardon pour ce long billet, mais j’avais besoin d’exprimer ma déception de voir que nous sommes en 2016 et que les choses n’avancent toujours qu’à la vitesse d’une limace…

NDLR : je ne crois pas qu’il s’agisse d’un problème de non intérêt de la part des spectateurs car le billet que j’ai écrit fin avril sur la copilote de rallye, Lara Vanneste, a été le plus partagé et lu depuis le début de l’année…