Les Femmes : Leena Gade
En 90 ans d’histoire, aucune femme n’est montée sur le podium des 24 Heures du Mans… Mais il y a un consensus autour d’une victoire attribuée à Lena Gade, ingénieure de l’équipe Audi. En 2011, elle a fait gagner Le Mans à ses pilotes.
Née au Royaume-Uni, elle a grandi en Inde avant de faire son retour en Europe. « Après l’université, j’ai travaillé pour Jaguar durant six ans. Mais comme je n’avais aucune expérience de la course, je ne pouvais pas postuler dans une équipe. »
En 2003, elle décide donc de faire ses classes. Elle passe son temps libre à être mécanicienne dans de petites équipes locales et trouve une place d’ingénieure en Formula BMW, les plus petites monoplaces. « Je passais mes week-ends sur les circuits pour avoir des contacts. Je voulais vraiment progresser dans les échelons. »
En Le Mans Series puis en A1 GP, Lena montre ses capacités. Elle trouve alors un vrai emploi d’ingénieure dans le sport automobile.
« Je l’avais toujours voulu. On me demande souvent s’il est difficile d’être une femme dans ce milieu. Le sport automobile est une véritable façon de vivre. Ça ne convient pas à tout le monde, hommes ou femmes. Mais quand on est impliquée, il est difficile de s’en défaire ! »
En 2011, elle a marqué l’histoire des 24 Heures du Mans. Sa façon de raconter la course est envoutante : « Après huit heures, mon Audi R18 était la seule des trois encore en course. Toute l’équipe est restée soudée pour nous soutenir. C’est l’un des éléments qui différencient Audi Sport de beaucoup d’autres équipes. »
Un autre ingénieur aurait-il essayé de l’aider ? « L’équipe n’étant concentrée que sur notre unique voiture, chacun aurait pu donner son avis. Mais tout le monde est resté à sa place et a soutenu nos choix. J’ai pu prendre mes propres décisions. J’ai parfois demandé des conseils mais j’ai fait les arbitrages seule. »
Cette victoire a permis à Lena de continuer sa carrière : « En mars et en mai, j’avais eu des courses désastreuses. J’étais tellement affectée que j’ai pensé tout arrêter. En fait, j’avais décidé d’annoncer mon départ après Le Mans pour occuper un autre poste dans l’équipe. »
« Il y avait un gros mois de travail avant Le Mans. J’ai donc pu me concentrer exclusivement sur cette course et ne pas penser à ma décision. Ma mère m’a toujours dit que je faisais trop de choses mais l’une de mes forces est l’organisation. C’était la même chose à l’école. Pourquoi ne passer que trois examens alors que l’on peut en passer quatre, avoir un petit boulot à côté et apprendre la clarinette et la guitare ? »
« Quand j’y repense, je me dis que ces années m’ont donné cette force. Aujourd’hui, j’arrive à m’organiser, à donner des priorités. J’ai aussi réalisé que je ne pouvais pas trouver une solution à tous les problèmes. Il faut savoir admettre qu’on ne sait pas et trouver la bonne personne pour se faire aider. »
Au Mans, elle a tenu son équipage pour aller chercher l’une des victoires les plus mémorables de l’ère moderne. Après les deux abandons des autres Audi R18, celle de Benoit Treluyer, André Lotterer et Marcel Fassler a résisté aux Peugeot 908 pour gagner de 13,8 secondes.
« J’ai toujours cru que c’était possible. C’était surtout un grand soulagement. En quelques mois, j’ai fait oublier à l’équipe qu’elle n’était pas capable de passer la première partie du week-end. Cette année incroyable m’a permis de comprendre comment se relever après un moment difficile. Ce job n’est pas facile. Peu d’hommes en rêvent, et encore moins de filles. C’est difficile mais ça mérite chaque goutte de sueur et chaque larme. »
Sa sœur Teena est aussi dans le métier… Elle a été ingénieure chez Prodrive en WRC et aérodynamicienne chez Williams F1.
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